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le fin dessin de fils argentés

mardi 10 septembre 2013, par Jacques d’Anglejan

En septembre apparaissent les grosses araignées. Elles tissent leurs toiles scintillantes et polygonales d’une branche à une autre. L’une d’elles en a tendu les axes entre le laurier et l’un des pampres de la treille. La brise qui courbe parfois les rameaux fait se distendre et danser le réseau étincelant et géométrique des fils parallèles au centre desquels elle se tient tapie, montant et descendant avec élasticité au gré du faible balancement des feuilles. Les pattes crochues écartelées sont brun rouge, le lourd et sombre abdomen conique pointillé de jaune. Sortant sans transition de son immobilité elle se déplace rapidement pour réparer un accroc de la toile ou se saisir d’une proie. Le fin dessin de fils argentés par le soleil se détache sur le fond noir du laurier. Il est moins visible dans sa partie droite, à l’ombre, où il se perd parmi les larges feuilles dentelées de la treille dont l’automne commence à roussir et recroqueviller les bords, leur centre toutefois encore vert où les nervures et leurs ramifications se détachent en clair. Les feuilles de laurier sont ovales, pointues, et ont des bords ondulés, comme des flammes.

Claude Simon, Les Géorgiques (Minuit, 1981, p. 53-54)