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Œuvres, tome 1 (Bibliothèque de La Pléiade, 2006)
lundi 9 décembre 2013, par
Claude Simon, Œuvres, tome I.
Gallimard, 2006. 1664 p. (Bibliothèque de la Pléiade ; 522)
Édition établie par Alastair B. Duncan et Jean H. Duffy
Ce premier volume contient :
Le Vent. Tentative de restitution d’un retable baroque - La Route des Flandres - Le Palace - La Chevelure de Bérénice [Femmes] - La Bataille de Pharsale - Triptyque - Discours de Stockholm - Le Jardin des Plantes . Appendices : Deux écrits de Claude Simon sur le roman - Textes, plans et schémas de Claude Simon, relatifs à ses romans.
L’œuvre de Claude Simon trouve l’un de ses ancrages dans l’histoire du XXe siècle, telle qu’il l’a vécue. La Grande Guerre, la mort dès 1914 d’un
père qu’il n’a pas connu, le deuil d’une mère inconsolable puis sa disparition, la révolution dont il fut témoin, à Barcelone, en 1936, la débâcle de juin 1940, l’anéantissement de son escadron de cavalerie sur une route des Flandres, dont il sortit vivant, par hasard – ces expériences, les siennes, des centaines de milliers d’autres hommes les ont faites, y ont survécu, en sont restés marqués, ont voulu leur donner un sens et ont essayé de les faire partager, en vain : entre « voir écrit le mot obus » et se trouver au point de chute de l’objet, il y a, comme le fait observer Simon, une différence assez nette. On a beau se livrer à toutes les « tentatives de restitution » qu’on voudra, impossible de restituer ce qui fut tel que cela fut. Mais cet impossible est en soi un sujet. « Que savoir, comment savoir ? » Comment rendre compte du « luxuriant, anarchique et impétueux désordre de la vie » ? Quelle forme et quel sens donner à ce qui semble n’être que chaos et absurdité ? De la guerre l’expérience n’est pas transmissible, et ses acteurs eux-mêmes n’en conservent qu’une perception fragmentaire. Alors que raconter, comment, et à qui ? Qu’y a-t-il à tirer du magma des émotions et des souvenirs ? Comment reproduire ? qu’exprimer ? pour démontrer quoi ? « Non plus démontrer », répond Claude Simon, « mais montrer, non plus reproduire mais produire, non plus exprimer mais découvrir ». Écrire. Se livrer aux mots, eux-mêmes créateurs de réalité. Ne pas laisser l’écriture s’effacer « derrière un récit et des événements qui n’existent que par elle ». S’émanciper de toute ambition réaliste, pour explorer librement des contrées inconnues. Les livres de Claude Simon ne reconstituent pas le réel : ils le constituent dans et par l’écriture. Leur forme se renouvelle de roman en roman, avec toutefois une constante : aucun de ces livres n’est un pur « tour de force », dans chacun d’eux la vie passe, et l’œuvre de Claude Simon est l’une des plus émouvantes de notre temps.