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Lire Claude Simon en Chine. 7 novembre 2020
lundi 16 novembre 2020, par
Lire Claude Simon en Chine
Colloque international
Département de français
Institut des langues étrangères
Université normale de la Chine de l’Est
7 novembre 2020
Salle 319, Institut des langues étrangères, Université normale de la Chine de l’Est (Minhang) et en ligne.
Vous pouvez revoir le colloque en ligne :
vidéo. 5h12. Voir sur YouTube
Participants
- DUNCAN Alastair. Chercheur émérite, Université de Stirling
- FAN Yongmei. Maîtresse de conférences, Université Soochow
- JIAO Junyi. Maîtresse de conférences, Université normale de Shenyang
- JIN Jufang. Professeure associée, Université normale de la Chine de l’Est
- LIU Haiqing. Professeure, Université Renmin de Chine
- LU Yichen. Maîtresse de conférences, Université Soochow
- VIART Dominique. Professeur, Université Paris Nanterre et Institut universitaire de France
- WANG Jing. Professeure, Université normale de la Chine de l’Est
- YU Zhongxian. Professeur, Académie des sciences sociales de Chine et Université de Xiamen
- YUAN Xiaoyi. Professeure, Université normale de la Chine de l’Est
- ZEMMOUR David. Professeur en classes préparatoires, Lycée Claude Monet et Lycée Henri IV
- ZHANG Xinmu. Professeur, Université de Nanjing
Programme du colloque
Séance de l’après-midi
Présidente : Jufang JIN
14:00-14:10 Ouverture du colloque
14:10-14:20 Discours de Jing WANG, directrice du Département de langue et de littérature françaises
14:20-14:45 David ZEMMOUR « Des particularités de la langue de Claude Simon susceptibles de tourmenter ses traducteurs »
14:45-15:10 Junyi JIAO « La traduction et la réception des Corps Conducteurs en Chine »
15:10-15:35 Yongmei FAN « Étude sur la guerre et la nature humaine dans l’oeuvre simonienne – sous la perspective de la critique éthique littéraire »
15:35-15:55 Pause café
15:55-16:20 Zhongxian YU
16:20-16:45 Haiqing LIU « Réflexions sur les archétypes mythiques dans les romans de Claude Simon »
16:45-17:10 Discussion
17:10-18:10 Pause dîner
Séance du soir
Présidente : Jing WANG
18:10-18:35 Alastair DUNCAN « Histoire de la critique simonienne »
18:35-19:00 Yichen LU « Photos de famille : un roman à écrire. Pour une étude intermédiale de L’Herbe chez Claude Simon »
19:00-19:25 Jufang JIN « Le Retour des ‘morts vivants’ – l’homme et l’Histoire dans les fictions de Claude Simon et de Yu Hua »
19:25-19:50 Dominique VIART « Les influences de Claude Simon en littérature contemporaine »
19:50-20:15 Discussion
20:15-20:25 Discours de Xiaoyi YUAN, doyenne de l’Institut des langues étrangères. Clôture du colloque
Résumés des interventions
1. Des particularités de la langue de Claude Simon susceptibles de tourmenter ses traducteurs
David Zemmour
En 2013, l’Association des Lecteurs de Claude Simon consacrait l’un de ses séminaires à la traduction de l’oeuvre de Claude Simon et, dans ce contexte, il m’avait été proposé de réfléchir aux particularités de langue simonienne susceptibles de constituer un enjeu pour la traduction.
Ce nouveau colloque organisé par Jufang Jin est l’occasion de revenir sur ces questions, à la fois avec un peu de recul et en prenant un peu plus de distance, en interrogeant les problèmes liés à la fois au lexique et à la syntaxe, en particulier la question de la phrase et de l’ordre des mots. Au-delà des caractéristiques propres à la syntaxe française, en quoi la langue de Claude Simon, qui joue précisément avec cette langue et avec ses limites, présente-t-elle des enjeux particuliers de traduction ? Et lesquels ?
2. La traduction et la réception des Corps Conducteurs en Chine
Jiao Junyi
Les Corps conducteurs, roman de Claude Simon publié en 1971 aux éditions de Minuit, n’a été traduit en chinois que 47 ans plus tard et publié en 2018 aux éditions de l’Université de Nankin. Dans la traduction et la réception des oeuvres de Claude Simon, Les Corps Conducteurs n’est pas un cas unique. En situant l’acte de traduire dans le champ d’échanges culturels et littéraires entre la France et la Chine, la présente étude vise à explorer les difficultés et les obstacles à la traduction et à la réception des Corps Conducteurs en Chine dans le but de favoriser la traduction et la réception des oeuvres de Claude Simon en Chine.
3. Étude sur la guerre et la nature humaine dans l’oeuvre simonienne — sous la perspective de la critique éthique littéraire
Yongmei FAN
L’oeuvre simonienne, qui s’est développée contre toute forme de récit ayant la prétention de transmettre des valeurs, a exclu de la littérature toute visée idéologique ou morale, et Claude Simon a ainsi affirmé : « Je n’ai rien à dire, au sens sartrien de cette expression ». En insistant sur l’immoralité de la littérature et l’irresponsabilité de l’auteur, Simon met l’accent sur l’innovation formelle de son oeuvre, son attitude antiéthique est ainsi largement reconnue. Cependant, à travers une lecture minutieuse des chefs-d’oeuvre simoniens tels que La Route des Flandres, Les Géorgiques, L’Acacia, etc., des dimensions éthiques y sont implicitement ou explicitement traitées, cela constituerait l’une des principales raisons de la vitalité de l’oeuvre simonnienne. Pour une étude de l’écriture éthique simonienne sur la guerre et la nature humaine, on s’inspirera de la Critique Éthique Littéraire créée par le chercheur chinois Nie Zhenzhao en se référant à ses principaux termes critiques, y compris « le facteur sphinx », « le facteur humain », « le facteur vétérinaire », « l’identité morale », « le dilemme moral » et « le choix éthique », etc. En analysant cette écriture sur les désirs primitifs extrêmement gonflés par la guerre chez les soldats, l’indifférence et la cruauté chez le collectif militaire et le rationnel et la bonté chez l’individu, le massacre en pleine guerre et la confession après la guerre, en étudiant l’élimination simonienne de la compassion, de la dignité et de l’honneur chez les officiers et les soldats, en examinant cette écriture éthique simonienne sur les ravages de la guerre, sur le bien, le mal et la complexité de la nature humaine, et sur sa reconstruction dans la guerre, on approfondirait une meilleure compréhension de l’éthique simonienne décrivant la contradiction et l’interaction entre la guerre et la nature humaine.
4. Le conférencier Claude Simon
Zhongxian YU
À la différence de certains nouveaux romanciers tel que Robbe-Grillet, Claude Simon n’est pas un théoricien de la littérature. Mais dans de rares conférences, il parle de sa réflexion d’écrivain.
En traduisant les textes de ses quatre conférences prononcées entre 1980 et 1993, nous voyons mieux ses propres concepts d’écrire.
5. Réflexions sur les archétypes mythiques dans les romans de Claude Simon
Haiqing LIU
La création romanesque de Claude Simon s’enracine dans les structures psychologiques et l’inconscient collectif de la civilisation occidentale. Il associe son exploration de l’existence humaine avec les archétypes relevant du divin, de l’universel et du cosmique, dans le but d’aider l’homme moderne à retrouver un ordre et un équilibre dans le chaos historique. Cet article s’interroge sur la réexploitation des mythes et mythologies sous la plume de Simon, pour en dégager les représentations archétypales de la guerre, de la femme, de la nature et de la ville. En faisant appel aux archétypes mythiques, les romans simoniens révèlent non seulement les conflits entre l’homme et la société, mais fusionnent aussi la particularité de l’individu et l’universalité des expériences collectives. Cette écriture intertextuelle possède le pouvoir de protéger la liberté humaine, et nous apporte ainsi une sagesse de juger la vie et une attitude objective de considérer l’Histoire.
6. Histoire de la critique simonienne
Alastair DUNCAN
L’histoire de la critique simonienne se laisse diviser en deux grandes parties. Dans la première, jusque dans les années 1990, la critique a fleuri à l’étranger. En France elle a été dominée par la critique sous l’influence de Jean Ricardou et largement boudée par l’université française. En 1997, La Route des Flandres a été mise au programme de l’Agrégation. Cette reconnaissance institutionnelle a ouvert les vannes à un flot de publications en France qui ne cesse de couler. Après la mort de Simon en 2005, les approches se sont diversifiées.
J’essayerai de dégager certaines tendances et même, en conclusion, de prédire l’avenir de la critique.
7. Photos de famille : un roman à écrire. Pour une étude intermédiale de L’Herbe chez Claude Simon
Yichen LU
Les archives familiales, notamment les photos de famille, malgré toutes ses failles sur le plan esthétique (flou, bougé, mauvais cadrage, contre-jour…), sont de plus en plus investies tant par les études sociologiques, historiques et culturelles que par une « littérature du moi », hantée par la recherche généalogique et la question de l’origine. Devant une photo apparemment anonyme, appartenant à la génération précédente, c’est toute la philosophie simonienne (« comment était-ce » ?) et sa démarche romanesque (« comment savoir ? »), soit l’épineuse question de la restitution du passé qui se pose. En inscrivant des photos de familles réelles dans des histoires fictives, Claude Simon insiste sur l’impossibilité du geste restituteur par le recours des images réelles et réalistes tout en accordant la primauté au médium linguistique : être écrivain par les qualités même du langage comme Cézanne voulait « être peintre par les qualités même de la peinture ».
Avec le présent travail, nous tentons de démontrer une logique spécifiquement simonienne dans la restitution de l’histoire/l’Histoire à travers deux photos de famille dans L’Herbe – celle prise dans le jardin , reproduite dans Claude Simon de Lucien Dällenbach et la photo de mariage de Pierre, tout en démontrant la valeur paradigmatique de cette intrusion du photographique dans les romans : Simon n’était pas le seul écrivain à s’y investir et que beaucoup d’écrivains lui emboîteront le pas, dont Marguerite Yourcenar dans Archives du Nord et Barthes dans La Chambre claire. Support d’une mémoire à la fois individuelle et collective, les clichés familiaux ne cessent d’amorcer l’écriture simonienne, qui de retour, les actualise en leur redonnant ce souffle de vie qui manquent.
8. Le retour des « morts-vivants ». L’homme et l’Histoire dans les fictions de Claude Simon et de Yu Hua
Jufang JIN
L’œuvre de Claude Simon et celle de Yu Hua sont hantée par des images liées à la mort, parmi lesquelles les « morts-vivants » sont les unes des plus récurrentes. Chez Simon, ce sont les « hommes-troncs » dans Le Tramway, l’ancêtre légendaire qui entre sans cesse dans la vision de son descendant dans La Route des Flandres, ou le jeune soldat lui-même revenant du champ de bataille dans La Route des Flandres et dans L’Acacia. Yu Hua, écrivain d’Avant-garde chinoise qui s’est richement nourri des romans fantastiques classiques, dépeint un « monde évanoui » déchiré par la violence et le carnage. Parmi tous ses personnages errants au visage flou, le professeur d’Histoire dans 1986 est celui qui incarne le mieux cette figure du « mort-vivant ». Si leur état physique entre la vie et la mort est ambivalent, c’est le retour de ces personnages dans le monde des vivants qui suscite le plus d’inquiétude. Non seulement cet état d’« entre deux » traduit la violence de l’Histoire et l’altérité du sujet, mais il met en avant aussi la place du corps humain comme lieu d’assimilation et d’expression du trauma vécu.
9. Les influences de Claude Simon en Littérature contemporaine
Dominique Viart
Chaque génération invente son propre rapport à la littérature. Mais tout écrivain vient à l’écriture imprégnée de l’influence de quelques grands auteurs qui ont pu susciter son désir d’écrire ou dont les oeuvres lui apparaissent comme des « phares », selon le mot de Baudelaire. Nul doute que Claude Simon soit de ceux-là pour nombre de jeunes écrivains. Je tenterai de faire le point sur ces résonances de l’oeuvre simonienne dans la littérature d’aujourd’hui en montrant qu’elles se situent moins au niveau des thèmes, ou de la conception générale de l’acte littéraire, que dans la phrase même et dans le rapport au monde, au savoir, à l’histoire et au réel que celle-ci institue.